L’arrestation d’un symbole
Le 21 juillet 2024, Paul Watson est arrêté au Groenland par le Danemark sous un mandat international émis par le Japon en 2012 qui demande son extradition. Militant écologiste canadien, fondateur de l’ONG Sea Shepherd, il est accusé de plusieurs infractions liées à ses actions contre la chasse à la baleine dans l'océan austral.
Depuis, le Danemark examine la demande d'extradition sur fond d’indignation de l'opinion publique qui affirme que le mandat est politiquement motivé. En effet, le Japon se prépare à reprendre la chasse à la baleine dans le Pacifique Nord et est freiné depuis de nombreuses années dans ses activités par Sea Shepherd.
Le Japon : chroniques d'une opposition à la protection marine
Le Japon est souvent sujet à des controversessur le plan climatique et environnemental du fait de ses prises de positions politiques et des habitudes de consommation de la population nippone. Depuis de nombreuses décennies et avec l’appui de la Chine, le pays bloque notamment de nombreuses mesures de protection de la faune et de la flore marine proposées lors de forums internationaux : opposition à la création d’Aires Marines
Protégées (AMP), blocage dans la lutte contre la pêche de requins, sortie de la Convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine en 2018.
Le Japon a ainsi maintenu et entretenu des pratiques de pêche prédatrice de grande envergure : 10 000 à 20 000 tonnes de requins par an, 1 000 à 2 000 de baleines, 100 à 200 tonnes de dauphins. L’État est également soupçonné d'acheter les voix de petits pays (Tanzanie, Kiribati, îles Marshall) à la Commission baleinière internationale, monnayant leur vote contre des aides au développement.
Le Kangei-Maru, fleuron de l'industrie baleinière
Dernièrement, c’est le lancement le 21 mai 2024 du nouveau baleinier “Kangei-Maru” qui avait scandalisé la communauté internationale et l’opinion publique. Véritable navire-usine et innovation de l’industrie, le baleinier japonais possède la capacité de détecter des individus grâce à des drones ainsi que de capturer, conditionner et stocker une baleine en une heure maximum.
Il dispose également :
- d’un espace de découpage équivalent à deux terrains de basket,
- d’un espace de stockage suffisant pour contenir jusqu’à 800 tonnes de viande congelée dans 40 congélateurs industriels, soit entre 80 et 160 baleines,
- d’une rampe permettant de hisserles baleines sur le navire, ce qui lui permet de rester en mer jusqu’àdeux mois. Hideki Tokoro, propriétaire du navire, avait d’ailleurs déclaré lors de la cérémonie de lancement lancer cette campagne “avec la volonté de perpétuer la culture de consommation de baleine”, un objectif qui semble atteint. Mais depuis sa mise en route, le Kangei-Maru reste la cible de plusieurs organisations de défense de l’environnement dont l’ONG Sea Shepherd dont le fondateur Paul Watson avait déclaré vouloir “bloquer physiquement toute opération en dehors de la ZEE du Japon”.
Qu’est- ce que sont la notice rouge et l’extradition ?
Une notice rouge, abusivement appelée “mandat d'arrêt international”, est un message de signalement international diffusé par Interpol afin de localiser et d’arrêter provisoirement une personne en vue d’obtenir son extradition. Cette notice vient ainsi s’appuyer sur un mandat d'arrêt national ou européen existant, mais ne possède pas de caractère contraignant. Le système de notice rouge présente cependant des écueils. En effet, bien que le statut d’Interpol en fixe les règles, ce système a été abusivement détourné par certains États membres pour persécuter des opposants politiques à travers le monde depuis les années 2010.
L'extradition, quant à elle, est une procédure juridique parlaquelle un État livre l'auteur d'une infraction à un État étranger qui le réclame, pour qu'il puisse y être jugé ou exécuter sa peine. Parmi les conditions de l’extradition, on retrouve : l'absence de motifs politiques, l'impossibilité de condamner l’auteur pour d'autres incriminations que celles ayant motivé l'extradition. Il est important de noter que l'extradition est autant politique que légale. Un État peut donc abandonner une arrestation et/ou refuser une extradition. C’est ce qu’espère obtenir Paul Watson de la part du Danemark.
Paul Watson : et après ?
Le Danemark devrait rendre sa décision concernant l’extradition de l’activiste d’ici le 15 août. Plusieurs scénarios sont alors envisageables. le Danemark peut tout d’abord accepter la demande
d'extradition et remettre Paul Watson au Japon s’il jugeait que le pays respecte les conditions légales et diplomatiques et que les risques pour les droits humains sont acceptables ; la demande peut ainsi être refusée pour les mêmes motifs si les conditions ne sont pas réunies. Si l'extradition venait à être acceptée, elle pourrait néanmoins être suspendue ou annulée. En effet, il est fort probable que les avocats de Paul Watson déposeront des recours juridiques et des appels pour contester la décision en cas de jugement favorable pour le Japon. L'affaire Paul Watson pourrait ainsi se prolonger sur plusieurs années.
Une analyse de Justine Ferrero à retrouver sur les réseaux sociaux du cabinet.