Interview par le journaliste Mor Amar
Mor Amar : Avec la disparition de Deby, beaucoup de craintes ont été exprimées concernant le Sahel. Sur quoi reposent concrètement ces inquiétudes ?
Régis Hounkpè : Les craintes exprimées sont fondées dans la mesure où l'armée tchadienne représente la force centrale du G5 Sahel. Le président Idriss Deby Itno était le véritable gendarme du Sahel et ses troupes mieux formées et plus aguerries que les autres armées de la coalition, disposaient d'un avantage stratégique. La crainte est que les Tchadiens se désengagent de la zone des trois frontières, épicentre des combats anti-terroristes, pour se replier sur le front interne face à la rébellion du FACT.
M.A : Quelle alternative pour préserver la stabilité dans la zone ?
R.H : Fatalement, l'Opération Barkhane perd en vision et devra réinitialiser sa stratégie de lutte contre les djihadistes qui menacent le Sahel mais également les pays du Golfe de Guinée.
M.A : Quid du devenir du Tchad? Est-ce que cette disparition de l'homme fort de Ndjamena ne fait pas encourir au pays le même sort que la Libye suite a la disparition de Khadhafi?
R.H : Le Tchad vit un épisode incertain avec une opposition politique qui réclame à raison le respect de l'ordre constitutionnel et qui vient de connaître des morts aujourd'hui dans les manifestations, la rébellion qui est positionnée à quelques centaines de kilomètres de la capitale N'djamena, et évidemment les menaces extérieures des groupes armés terroristes. Ceci dit, je ne crois pas à la dislocation du Tchad. Je ne vois pas vraiment comment le Tchad subirait une " libyanisation " de son territoire parce que la France vient de se poser opportunément comme défenseur de la stabilité et de l'intégrité du pays. La présence française s'est, de fait, positionnée comme partie intégrante des combats....