Adama Dieng : Le président Macky Sall va prendre les rênes de l’Union africaine dans un contexte délicat dans la sous-région, qu’est-ce qui devrait être ses priorités ? De nombreux défis se présentent à lui.
Dans le domaine de la santé avec l’impact du Covid, la problématique des vaccins et dans le même sillage la relance économique. Que doit être sa politique en la matière ?
Régis Hounkpè : La question fondamentale est celle de la recherche et du développement en matière médicale et sanitaire pour l'union africaine confrontée à la crise du covid qui a justement destructuré nombre d'économies africaines et interrogé la gestion des systèmes politiques. La crise sanitaire a été l'occasion pour des puissances internationales rivales de se tester sur le continent avec la diplomatie vaccinale. Cette diplomatie de la seringue met à nu les carences des politiques publiques sanitaires et médicale des 54 pays et encore plus la stratégie intégrée de l'union qui a fait défaut. Au-delà des dispositifs COVAX et des partenariats internationaux, l'Afrique doit travailler à ses propres solutions, intégrant médecine traditionnelle et médecine conventionnelle dans une commune stratégie. Le président Sall tient une occasion unique pour encourager la recherche médicale et promouvoir l'excellent travailler des chercheurs et des scientifiques africains et de sa diaspora pour réfléchir sur cette pandémie et celles certaines à venir dans les futures années. Aujourd'hui, la santé, autant que la sécurité, a un impact incommensurable sur le développement économique et la paix.
Le débat sur le climat, il en avait déjà parlé en dénonçant une injustice climatique que vit l’Afrique. Qu'en pensez-vous ?
RH : Encore une aberration, l'Afrique est le continent moins pollueur mais qui subit en retour les effets dévastateurs des bouleversements climatiques. Mais dès que cela a été dit, il ne faut absolument pas ignorer que des victimes se comptent par millions sur le continent africain et essentiellement en Afrique de l'ouest à cause de la pollution urbaine. Deux chiffres : 24% des décès sur le continent africain sont dus par la pollution domestique selon l'organisation mondiale de la santé d'une part, et d'autre part toujours selon l'OMS la pollution occasionnerait principalement la mort des enfants de moins de 5 ans. Au lieu de nous focaliser sur les ressentis ou accusations venus du Nord, l'Union africaine doit débattre et agir sur ces drames environnementaux et tout passe par l'éducation, la mobilisation et la sensibilisation des citoyens.
La sécurité avec le terrorisme et les coups d’Etat de plus en plus récurrents, quel défi en la matière pour le président Sall
RH : Les coups d'état militaire et constitutionnel constituent des freins pour le continent. En Afrique de l'Ouest, l'inflation des coups de force, qu'ils soient électoraux ou armés signifie au moins deux choses : l'incertitude dans la gestion des pouvoirs et l'impatience des politiques publiques menées qui n'aboutissent pas au développement économique. De plus, les armées, qui constituent le pilier de la sécurité intérieure et aux frontières, sont de plus en plus démunies face au péril djihadiste, se retrouvent face au dilemme de gérer eux-mêmes le pouvoir ou de s'enliser jusqu'à effacement total face au rouleau-compresseur des groupes armés terroristes autrement plus équipés. Le président Sall a forcément mis à son agenda ses sujets pour définir une vision efficace des enjeux stratégiques, sécuritaires et politiques mais la tâche n'est absolument pas aisée.
Sur la sécurité alimentaire et la question du financement de l'UA, comment devrait-il aborder ces différents points ?
RH : L'agriculture n'est pas que l'avenir du continent, c'est surtout sa survie. C'est à cette exigence que la sécurité alimentaire peut être assurée et nourrir souverainement les Africains. Et si l'Union n'arrive pas à se financer, elle restera à la remorque des organisations internationales et ne pourra pas résister au diktat des puissances internationales. Il y a bien des ressources endogènes à mobiliser pour financer le développement du continent africain et l'organisation qui l'incarne.
Retrouvez les extraits de cette interview dans ce dossier d'Adama Dieng de L'Observateur en cliquant ici :