Interview de Mor Amar, journaliste politique, pour Régis Hounkpè
Mor Amar : D'abord quelle compréhension doit on avoir du grand remplacement ? Cela ne traduit-il pas un certain racisme?
Régis Hounkpè : La théorie du grand remplacement a été vulgarisée en France par un écrivain d'extrême-droite Renaud Camus et qui tend à faire croire que l'Occident blanc se ferait remplacer dans un prochain avenir par des peuples issus de l'immigration, c'est à dire les Arabes et les Noirs. Mais elle peut être sourcée encore plus loin dans les années 1900 avec Maurice Barrès, un nationaliste français qui pensait que les étrangers finiraient un jour par remplacer les Français un jour dans leur propre pays. Cette théorie fumeuse a commencé graduellement à s'infuser dans le débat public au debut de 2010, mais a retrouvé un véritable souffle politique avec Éric Zemmour, polémiste d'extrême-droite, qui à longueur de tribunes, conférences, émissions et livres, en a fait l'arc principal de son idéologie politique. De mon point de vue, il y a à la fois de la posture et de l'imposture quand des personnalités politiques supposées se situer dans le cordon républicain agitent ce concept.
Jusque-là c'était surtout Eric Zemmour qui l'utilisait, mais on a vu ces derniers jours Pécresse lui emboîter le pas. Peut- on en déduire une poussée de l'extrémisme en France ?
Clairement oui. Il y a évidemment du cynisme dans la démarche de Valérie Pecresse qui n'est ni d'extrême-droite, n'est ni raciste. D'ailleurs, son propos vise à contester le grand remplacement et le grand déclassement, le pendant économique et à se dresser contre. Mais dans un débat de campagne présidentielle, ces sujets deviennent explosifs dans la bouche de candidat républicain. C'est une véritable erreur de communication politique car son discours, déjà faible sur la forme, pèche sur le fond car ce passage a littéralement phagocyté toute sa " prestation ". Par contre, Éric Zemmour et Marine Le Pen vont rivaliser d'imagination pour user et abuser du sujet car il est politiquement attractif dans une France partiellement recroquevillée sur elle-même, réactionnaire et favorable au discours anti-immigration, anti-noirs, anti-arabes, anti-juifs, anti-tout ce qui n'est pas blanc de souche.
Quel impact cela pourrait- avoir sur l'immigration en France si ces chantres du concept remportent la prochaine présidentielle ?
Une stigmatisation encore plus accrue sur l'immigration. Mais beaucoup ignorent, concernant l'Afrique, que les Africains émigrent généralement en Afrique et parfois en Amérique du Nord, en Amérique latine, en Asie et dans la péninsule arabique.
Est-ce que une telle perspective ne serait pas salutaire pour de réelles mutations dans la francafrique ?
Le dernier clou qui doit fermer le cercueil de la françafrique n'est pas certainement en possession de ces réactionnaires et entrepreneurs de la haine qui ne cherchent qu'à diviser. Le requiem de la françafrique sera initialement rédigé par les générations africaines qui n'en peuvent plus de cette relation de mépris et d'humiliation qui n'a que trop duré.