Depuis bientôt deux décennies, plusieurs groupes internationaux de conseil en audit, management, stratégie, communication ou affaires publiques se sont installés sur le continent et écrasent de toute leur puissance le marché de l'expertise privée, au détriment de jeunes entités créées par des Africains du continent ou de la diaspora.
Complexe d'infériorité et dédain des " locaux"
Une veille régulière sur les appels d'offres en matière de conseil offre une vue étourdissante sur les firmes qui ont mis la main sur les contrats de communication, de management, d'évaluation des politiques publiques en Afrique, essentiellement francophone. Elles sont généralement françaises, parfois américaines, assez peu asiatiques et presque jamais africaines.
Presque jamais... Enfin, il arrive qu'un cabinet local soit choisi.
Au prix de quelle procédure ? A t-il été obligé d'inclure dans l'équipe d'exécution un proche du pouvoir en place ? Est-il un sous-traitant du sous-prestataire d'un cabinet monté à toute vitesse par un affidé du pouvoir ? Est-il simplement la dixième courroie d'un groupe occidental, préposé à l'intendance et au travail ardu ?
Autant de questions que se posent les consultants africains du continent ou de sa diaspora.
Huit cas sur dix, un gouvernement africain ( davantage francophone ! ) sollicitera un cabinet international. Il s'appliquera, de toute évidence, à intégrer dans le cahier de charges des conditions restrictives pour les experts locaux.
De fait, le secteur public africain, pénalisera dans le cadre de la passation des marchés publics en matière de conseil, les entités du cru. Les raisons sont multiples. Sont-elles autant justifiées ?
Le nombre d'années d'exercice, les missions réalisées, la qualité de l'organigramme des experts, le chiffre d'affaires, et...les références internationales exigées. Ainsi, plusieurs cabinets locaux sont obligés de s'associer mécaniquement et de rédiger des requêtes insuffisamment abouties. Ils sont contraints d'inclure dans leurs équipes un nom ronflant et se mettent en quête d'un parrain politique, au détriment de leurs compétences et de la réalité de leurs savoir-faire.
L'âge d'or des consultants blancs
Soyons lucides ! Malheureusement, beaucoup de personnalités politiques africaines ne résistent pas à l'attraction illusoire que constituent le background et l'influence de leurs homologues blancs. Ce complexe d'infériorité les guide à choisir prioritairement un expert blanc avant de daigner s'intéresser au consultant africain, qu'il soit noir ou arabe. C'est une vérité que beaucoup taisent, par peur de représailles locales ou de mépris sur leurs constats, mais la mentalité de soumis de certains pouvoirs et cercles de décision du continent est flagrante.
,Ainsi, les événements officiels ou autres manifestations de rang sont souvent organisées depuis un bureau d'agence de communication à Paris, Londres ou New York. Les organisateurs en chef sont souvent français, européens, américains et les exécutants sont des locaux. Parfois, pour faire bonne mesure, il sera associé au comité d'organisation deux ou trois Africains dont au moins un de la diaspora, qui en réalité, sont présents pour valider une pluralité de surface.
Prenez tous ces forums sur l'économie africaine, les investissements, la transition écologique ou la révolution numérique orchestrés par des agences bien introduites au sommet des présidences ou ministères africains... Ils ont généralement dans leurs " boards " des anciens ministres français ou mieux...
Ce sont, nous dit-on, les meilleurs connaisseurs des réalités africaines, ils ne peuvent être que les meilleurs rhéteurs du renouveau africain. La réalité est toute autre. La puissance du carnet d'adresses est le meilleur dopant.
Mais attention, il n'est pas écrit que pour conseiller sur l'Afrique, qu'il fallait être Africain et qu'être Africain prédisposait naturellement à tout savoir du continent. C'est plus subtil que cela : le marché du conseil n'est pas forcément celui qui est déterminé par l'expression des compétences confirmées mais assujetti à des considérations subjectives.
Clairement, le relai de croissance qu'est devenu le continent africain n'est pas épargné par la frénésie de la filière des experts européens et américains. Alors qu'il aurait été plus judicieux, même dans un monde qui assume la compétition internationale, que la coopération et la collaboration puissent permettre autant aux Africains et leurs pairs occidentaux de travailler ensemble.
Fatalement, l'économie du conseil en Afrique est plus rentable que l'économie elle-même.
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